Qu'est ce que la DECENTRALISATION?
Il existe en fait plusieurs formes de décentralisation :
- La décentralisation politique : octroyer davantage de pouvoir décisionnel au niveau local, c’est-à-dire aux citoyens ou à leurs élus
- La décentralisation administrative : transférer les compétences de services publics aux collectivités territoriales (en l’occurrence pour le Togo : les Communes, les Conseils de Préfecture et les Conseils de Région
- La décentralisation économique avec la privatisation des services publics notamment.
Nous nous intéresserons ici uniquement aux deux premières formes de décentralisation, puisque les principaux services publics (eau, énergie, télécommunications) au Togo sont principalement gérés par des entreprises d’Etat.
La décentralisation politique :
Elle permet aux citoyens de participer aux décisions qui les concernent directement. Les actions entreprises par les responsables locaux coïncident ainsi avec les besoins des populations. Toutefois, cette forme de décentralisation ne peut être réellement effective sans élections locales.
La décentralisation administrative :
Afin de que les populations puissent avoir des services publics adaptés à leurs besoins, l’Etat délègue la gestion de ces services aux administrations locales. Ceci implique une autonomie financière de la part de ces collectivités pour qu’elles puissent en assurer la fourniture. Des compétences précises sont accordées à chaque échelon de gouvernement.
La décentralisation n’est pas un phénomène nouveau, le terme est en effet employé depuis le début des années 50. Mais beaucoup de tentatives se sont avérées vaines ou n’ont pas tenu leurs promesses initiales (certains régimes autocratiques en ont ainsi profité pour accroître leur domination au niveau local et d’autres se sont limités à instituer des autorités locales sans légitimité démocratique ou ne disposant d’aucun pouvoir). Mais depuis les années 90, la grande majorité des pays en développement se sont engagés dans un processus de décentralisation qui diffère des tentatives précédentes, avec toutefois des degrés d’engagement et de succès divers. Toutefois, quelque soit le niveau de décentralisation, le paysage institutionnel de ces pays s’en est trouvé bouleversé du fait de l’ajout sur le plan local d’un ou de plusieurs échelons de gouvernement. Plusieurs facteurs ont incité ces pays a entamé un tel processus, comme l’érosion vers la fin des années 80 du concept de l’Etat hautement centralisé responsable du développement, l’impératif mondial de démocratisation et de bonne gouvernance ou encore la nécessité de gérer une croissance urbaine exponentielle.
Les arguments en faveur de la décentralisation sont nombreux : l’instauration d’un système démocratique local et d’une gouvernance locale, la possibilité donnée aux citoyens de faire entendre leur point de vue ou un meilleur accès aux services de base aux populations. A l’inverse, ses détracteurs avancent des coûts importants, des possibles affrontements entre les différentes formes de pouvoir et de légitimité ou encore un impact incertain sur la lutte contre la pauvreté.
Enfin, il est primordial de pouvoir faire la distinction entre le concept de la décentralisation et celui de la déconcentration. Ce dernier est en fait un système de délégation vers des échelons inférieurs internes ne possédant dès lors pas de personnalité morale propre, tandis qu'une décentralisation délègue vers des collectivités territoriales possédant une personnalité morale propre. Toutefois, la décentralisation s’accompagne inévitablement d’une déconcentration avec la création de services déconcentrés de l’Etat venant en appui aux collectivités.
La décentralisation au Togo:
Le principe de la décentralisation au Togo est inscrit dans la Constitution de 1992. Elle en définit en effet les fondements : « la République togolaise est organisée en collectivités territoriales sur la base du principe de décentralisation dans le respect de l’unité nationale. Ces collectivités territoriales sont : les Communes, les Préfectures et les Régions. (…) Les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils d’élus au suffrage universel, dans les conditions prévues par la loi. ». Mais, le processus de décentralisation remonte bien avant son institutionnalisation ; en 1959, 1965 et 1987, des élections locales avaient déjà été organisées. Toutefois, les compétences des maires élus étaient limitées.
Les dispositions invoquées dans la Constitution de 1992 ont servi de foncement à la loi du 11 février 1998 portant décentralisation, une loi qui n’a malheureusement eu qu’un impact mineur sur la gestion des collectivités locales et sur le déroulement du processus. La loi de 1998 ne définissait pas de façon précise les compétences à transférer aux collectivités territoriales, et elle n’a jamais été accompagnée de textes d’application qui auraient pu clarifier certaines de ses dispositions.
Les maires élus lors des dernières élections de 1987 ont été remplacés par des délégations spéciales en 2001, ce qui a constitué une véritable régression dans le processus de décentralisation. A partir de cette date, certains Partenaires Techniques et Financiers, et notamment les collectivités étrangères, ont cessé ou restreint leurs activités au Togo.
Avant la loi de 1998, il existait 30 Préfectures et 30 Communes (chefs-lieux de Préfecture). Les Régions ont été érigées en collectivité locale avec la loi de 1998, mais pour le moment, cette administration locale n’existe que de nom. Elle prévoyait également la création de Communes dites rurales (en opposition aux Communes urbaines) pour les cantons, mais à l’instar des Régions, aucune disposition n’a été prise pour les rendre opérationnelle (d’ailleurs le nombre de Communes rurales n’est toujours pas défini à ce jour). Aujourd’hui, on dénombre 35 Préfectures et 21 Communes opérationnelles, toutes sont sous l’autorité de délégations spéciales.
En 2004, le Togo se dote d’un Programme National sur la Consolidation et la Décentralisation (PNCD) qui aborde la décentralisation comme un processus de longue durée qui sera mis en œuvre de façon participative et globale. C’est aussi l’année où l’Union des Communes du Togo a repris activement ses actions visant à renforcer les capacités des Communes togolaises. Plusieurs lois s’en sont suivies dont celles portant sur l’organisation de l’administration territoriale déconcentrée du 8 janvier 2007, sur la chefferie traditionnelle et sur le statut des chefs traditionnels au Togo du 8 janvier 2007 également, et enfin sur la décentralisation et les libertés locales du 13 mars 2007. Cette dernière a abrogé la loi de 1998 et l’a renforcé en précisant les domaines de compétences dévolus aux différents échelons de collectivités locales, sans toutefois en définir les modalités de transfert. Elle proroge également le mandat des délégations spéciales jusqu’à l’organisation des élections locales. En 2008, plusieurs textes importants ont aussi été votés comme ceux du 11 juin 2008 portant sur le statut des agents des collectivités territoriales et les modes de gestion des services publics locaux.
Malgré la mise en place d’un nouveau cadre juridique, force est de constater que le processus de décentralisation est au point mort depuis plusieurs années. Plusieurs études ont été menées en parallèle sur la communalisation intégrale (2006) et sur la délimitation des Communes urbaines (2010) notamment, sans toutefois que des décisions soient prises par l’administration centrale. Dans ce contexte de décentralisation latente, le Programme National sur la Consolidation et la Décentralisation (PNCD) a prévu un dispositif institutionnel pour la relance et la consolidation de la décentralisation (mise en place d’une Commission d’Orientation Politique de la Décentralisation, d’un comité de suivi de la mise en œuvre du processus et d’une équipe technique chargée de la préparation et de la mise en œuvre de la décentralisation). Le cadre juridique sera en outre complété par de nouveaux textes comme celui sur l’organisation et le fonctionnement du Fonds d’Appui aux Collectivités Territoriales (FACT), sur le transfert des compétences et des ressources, sur la création des Communes rurales ou sur la passation des marchés publics des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.
Plusieurs actions viennent renforcer ce processus, comme celles du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), du projet d’Appui au Processus de Décentralisation au Togo (APRODECT), cofinancé par le Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) de l’Ambassade de France à Lomé, et de plusieurs projets de coopération décentralisée et d’associations locales. Sans oublier bien sûr l’Union des Communes du Togo qui accompagne les Communes dans leurs projets, renforce leurs capacités, recherche sans cesse de nouveaux partenariats et lance des actions de communication pour les promouvoir au Togo et à l’étranger.
Toutefois, la décentralisation ne sera jamais totalement effective sans que certaines dispositions soient prises. Tout d’abord, la tenue des élections locales est évidemment essentielle. Actuellement, les relations entre les responsables municipaux et leurs administrés sont en effet entravées par l’illégitimité des délégations spéciales, et les Partenaires Techniques et Financiers sont réticents à développer des projets de coopération avec des représentants locaux nommés par le pouvoir central. Mais pour que les élections locales aient réellement un impact sur les conditions de vie des populations urbaines, elles devront s’accompagner d’importants moyens techniques, humains et surtout financiers pour que les équipes municipales élues puissent répondre aux exigences induises par le transfert de compétences prévu par la loi. De même, le gouvernement, via le Ministère de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire (MATDCL), devra donc intensifier ses efforts en matière de décentralisation en mettant en place le Fond d’Appui aux Collectivités Territoriales (fond qui sera ouvert aux Partenaires Techniques et Financiers), en favorisant le recouvrement des impôts locaux ou encore en rétribuant la totalité des taxes dévolues aux communes. L’UCT, ainsi que tous les acteurs engagés dans le domaine de la démocratie locale et de la bonne gouvernance, ont aussi un rôle fondamental à jouer en appuyant les Communes dans leurs projets de développement, et en renforçant leurs capacités, en particulier celles des agents municipaux qui n’étant pas tributaires des élections devront accompagner les prochains élus dans leur mission.